Cette leçon permet à l’apprenant de comprendre les étapes couramment utilisées par les trafiquants.
Il existe diverses expériences complexes dans le monde clandestin de la traite des personnes, et il est important d’éviter de présumer de l’existence de récits universels qui s’appliqueraient à toutes les situations. Néanmoins, des étapes clés sont couramment notées par de nombreux survivants au cours de leur relation avec leur trafiquant. Cela comprend le leurre, la séduction, l’isolement, la manipulation/coercition et l’exploitation. Ces cinq étapes peuvent être présentes, ou seulement certaines d’entre elles; cela dépend de nombreux facteurs tels que la relation entre la victime et le trafiquant, le contexte de vie de la victime lorsqu’elle rencontre son trafiquant, et d’autres aspects.
Contrairement à de nombreux reportages sensationnalistes ou à des films hollywoodiens, la réalité est que les victimes sont rarement attrapées dans la rue, enchaînées et forcées d’être des esclaves.
Avant d’aborder les cinq étapes de la traite des personnes, nous examinerons d’abord comment les victimes potentielles sont identifiées.
Identification. Les trafiquants sont des prédateurs qui cherchent des cibles faciles. Les médias sociaux sont pour eux l’outil le plus efficace pour trouver des personnes vulnérables. Un coup d’œil rapide sur le compte Instagram ou TikTok d’une personne révèle ce qu’elle ressent envers elle-même, ses problèmes à la maison ou avec ses amis, ses préoccupations financières et les lieux qu’elle fréquente. Les cibles potentielles ne sont pas toutes identifiées de cette façon – certaines le sont dans le cercle familial ou par le biais d’amis des amis.
Lorsqu’une victime potentielle est ciblée, les étapes de la traite commencent.
Kate est une jeune fille de 13 ans qui vit au Nunavut avec sa mère, son beau-père et ses frères et sœurs. Kate voit régulièrement sa mère et son frère aîné être maltraités physiquement et verbalement par son beau-père qui consomme de l’alcool de manière excessive et qui rend souvent la vie à la maison inconfortable pour Kate. Les parents de Kate reçoivent régulièrement des amis, et Kate n’a aucune intimité à la maison. Kate a des antécédents de violence sexuelle qu’elle n’a jamais dévoilés à quiconque auparavant, car l’agresseur est un membre de la famille et elle craint que personne ne la croit. La fréquentation scolaire de Kate est bonne, mais ses enseignants notent qu’elle néglige son travail et remarquent des signes d’automutilation.
Kate est récemment devenue proche d’un homme de sa communauté. Il a 22 ans, mais il lui dit qu’elle est très mature pour son âge et que leur différence d’âge n’est pas un problème. Il devient un soutien pour Kate, et elle se sent comprise. Elle lui confie à quel point elle est parfois malheureuse à la maison, insécure face à son beau-père, et elle lui parle de ses antécédents d’abus sexuels.
Kate et cet homme développent une relation intime, et elle se sent amoureuse. Après quelques mois, l’homme lui offre de la drogue. Kate trouve une échappatoire en se défonçant et prend plaisir à consommer de la drogue avec lui. L’homme commence à devenir violent envers Kate. Il la maltraite verbalement. Il crie dans des accès de colère, lui jette des objets et la bouscule. Après ses accès de colère, il s’excuse et mentionne qu’il est stressé financièrement, et que la drogue coûte cher. Il dit à Kate qu’un de ses collègues la trouve vraiment attirante, et que si elle avait des relations sexuelles avec lui une fois, ils pourraient gagner assez d’argent pour faire la fête pendant quelques jours. Kate souhaite rendre l’homme heureux, alors elle accepte de le faire.
Peu de temps après, l’homme et son cousin commencent à amener Kate dans diverses maisons après l’école. Ils donnent à Kate l’impression qu’elle fait partie de quelque chose et qu’ils l’apprécient. Elle est obligée d’avoir des relations sexuelles plusieurs fois par jour, et en retour, ils lui fournissent de la drogue, de l’affection, de l’amour et un moyen de s’échapper de la maison.
Anna est une jeune femme de 18 ans du Nunavut qui vient tout juste de déménager à Ottawa pour entreprendre des études postsecondaires. Anna est très enthousiaste à l’idée de fréquenter l’université dans le sud et d’explorer son identité. Elle vient d’une famille inuite forte et fière, mais est parfois confrontée à des problèmes d’estime de soi et de dépression.
Anna se fait de nouveaux amis qui fréquentent la même école, et elle commence à profiter de la vie sur le campus. Le groupe d’amis d’Anna aime boire en dehors des heures de classe, et ils fréquentent souvent deux clubs du centre-ville le week-end.
Les notes d’Anna commencent à chuter en raison des fêtes excessives avec ses amis, et rapidement l’argent reçu pour fréquenter l’université diminue. Contrairement à ses amis qui ont de la famille en ville, Anna ne sait pas vers qui se tourner. Sa famille est très fière qu’elle poursuivre ses études, et elle ne veut pas les décevoir. Anna commence à se sentir isolée dans la ville et ne sait pas à qui parler.
Elle est un jour approchée par un homme dans l’un des clubs qu’elle fréquente régulièrement. Alors qu’elle est en état d’ébriété, elle confie à cet homme certains de ses problèmes. Il lui propose de venir danser dans un club du côté québécois, en lui disant qu’elle peut gagner de l’argent rapidement, en dehors des heures de classe, le tout payé au noir. Il affirme que personne ne le saura à l’école et à la maison, et que les courtes heures de travail lui permettront de se concentrer sur ses études.
Après être devenue danseuse et avoir développé une relation de confiance avec l’homme rencontré, il lui propose de consommer de la cocaïne pour demeurer éveillée pendant les heures tardives passées au club. Cela ne lui coûte rien, car l’homme fournit cette drogue.
Quelques semaines plus tard, l’homme propose à Anna d’offrir des services sexuels supplémentaires à des clients. Anna n’est pas à l’aise avec cela, mais se rend vite compte qu’elle n’a pas le choix. L’homme menace d’envoyer des vidéos et des photos à sa famille et de détruire sa réputation dans sa communauté en exposant ses activités de danseuse et sa consommation de drogue. L’homme devient agressif avec elle physiquement, et Anna n’a pas d’autre choix que de se conformer. L’homme organise régulièrement des ‘rendez-vous’ pour Anna à l’arrière du club de striptease et collecte l’argent des clients.
Joshua est un jeune homme de 15 ans, vivant avec sa mère, ses frères et sœurs plus jeunes et son oncle au Nunavut. Il aime l’école, chasser et jouer avec ses frères et sœurs plus jeunes. Récemment, Joshua a décidé de révéler à ses amis qu’il est gai. Il a le même groupe d’amis depuis l’enfance, et il croyait qu’ils le soutiendraient. Au lieu de cela, ils se sont moqués de lui, l’ont humilié et lui ont dit de rester loin d’eux. La nouvelle a circulé rapidement dans la communauté, et Joshua a subi d’horribles commentaires homophobes en ligne, à l’école et à la maison. L’oncle de Joshua l’a rabaissé, et la mère de Joshua ne l’a pas défendu. Joshua a commencé à avoir des idées suicidaires et à se sentir très seul. Se sentant isolé de sa communauté, il a cherché du soutien en ligne. Joshua a trouvé un groupe 2SLGBTQ+ en ligne et s’est fait des amis qui l’ont aidé à mieux se sentir. Il s’est lié d’amitié avec un jeune homme d’Ottawa qui lui raconte que la ville est amusante et que les gens ne se soucient pas de savoir si une personne est gaie. Il a dit à Josh qu’il paierait ses frais de déplacement s’il venait à Ottawa pour une visite.
Josh ayant déjà de la famille à Ottawa, il a convaincu sa mère de lui permettre de s’y rendre et de séjourner chez l’une de ses tantes. Son ami a payé le billet d’avion, et personne dans la famille de Josh n’a vraiment posé de questions. Une fois arrivé chez sa tante à Ottawa, Josh était impatient de sortir pour rencontrer son nouvel ami.
Peu de temps après leur rencontre, son ami a révélé qu’il avait des relations sexuelles avec des hommes pour de l’argent, ce qu’il a décrit comme étant “très facile”. Il a expliqué qu’un ami l’aidait à trouver du travail. Josh a confié qu’il n’avait jamais eu d’activité sexuelle auparavant, et qu’il n’était pas sûr de ce qu’il ressentait à ce sujet. Son ami a décrit l’argent, le plaisir et la liberté que lui procurait ce genre de ‘travail’, mais Josh n’était toujours pas convaincu. Son ami l’a rassuré en lui disant qu’il n’avait rien à faire s’il ne le souhaitait pas, et qu’il pouvait simplement laisser les hommes lui faire une fellation et le prendre en photos. Josh a vraiment apprécié la compagnie et l’acceptation de son nouvel ami, et a pensé que ce plan ne semblait pas trop mal. L’ami de Josh l’a ensuite présenté à son proxénète.
Au début, Josh pensait qu’il était consentant. Il croyait être d’accord avec la prise de certaines photos et les attouchements pratiqués par des hommes, mais très vite Josh s’est rendu compte qu’il n’avait pas son mot à dire sur ce qui lui arrivait.
Questions
Les médias sociaux sont rapidement devenus l’un des outils de leurre les plus efficaces. Ils permettent très facilement des connexions immédiates et un engagement plus rapide par rapport aux contacts en personne.
Cela commence par une mention j’aime, un commentaire ou une demande d’ami. Les prédateurs recueillent des informations et les utilisent pour établir un lien de confiance et identifier les vulnérabilités. Lorsque vous considérez la quantité d’informations personnelles partagées en ligne, vous pouvez voir à quel point il est facile pour un trafiquant d’entrer en contact avec une cible. Une relation virtuelle peut être établie assez rapidement. Par exemple, les jeunes peuvent exprimer leur colère contre leurs parents et dire qu’ils vont s’enfuir de la maison. Les trafiquants répondront qu’ils ont le même âge, qu’ils comprennent exactement ce qu’ils vivent et qu’ils aimeraient être leur ami.
Notons à titre d’autre exemple les nombreux égoportraits qu’une cible peut publier pour obtenir une validation, solliciter des commentaires sur son apparence ou sa tenue, ou formuler des commentaires négatifs sur son apparence. Dans ces cas, les insécurités sont faciles à repérer et constituent une grande porte d’entrée pour un trafiquant.
Les trafiquants en ligne peuvent reproduire ce type d’interaction de 20 à 30 fois par jour avec de nombreuses cibles potentielles, augmentant ainsi leurs chances de trouver une victime qui voudra les rencontrer.
Au cours des dernières années, et particulièrement avec la COVID, il y a eu une augmentation importante du nombre de victimes de traite qui ne rencontrent jamais leur trafiquant en personne. Une victime peut être convaincue d’envoyer une image risquée qui est ensuite utilisée pour l’extorquer. Des demandes pour plus de photos ou de vidéos suivront. Le trafiquant menacera de les partager à grande échelle si la victime ne s’y conforme pas. Il passe rapidement du partage de photos à leur vente et à la vente de la victime en ligne ou en personne.